CR TOUR DU LEMAN CYCLO
Petit CR de Romain sur le Tour du Léman cyclo :
"
J'ai été obligé de m'abstenir de trail pour cause de périostite ces deux derniers mois, et de VTT pour cause de neige, donc je me suis orienté vers le vélo de route pour ce weekend.
Je fais très peu de vélo de route, je n'ai qu'un vélo de cyclocross premier prix, et je n'ai roulé une seule fois en peloton, en 2011. Mais j'ai décidé de remettre le couvert pour les 180 Km du Cyclotour 2013. How hard can it be?
Départ 06h30, une organisation parfaitement huilée et sans stress. Il fait assez froid et le ciel est nuageux. Je décide de partir avec un cycliste long, sur-chaussures et manches longues, en misant sur le fait que si le soleil pointe son nez, la vitesse me gardera au frais.
Le départ se fait par pelotons de 30-50 cyclistes, toutes les deux minutes. Je pars dès le deuxième peloton, avec comme objectif de ne jamais lâcher le groupe principal, pour ne pas me retrouver tout seul avec le vent dans le nez. Il se met à pleuvoir fort dans les minutes qui suivent le départ. Les premières 45 minutes sont assez douces côté rythme, ça roule très vite, mais je suis toujours dans le vert au cardio.
Je suis à l'avant de peloton, en essayant de me protéger un maximum du vent. Le rythme accélère assez violemment, souvent par à-coups, le peloton s'allonge, le groupe devient une longue colonne. Difficile de s'abriter du vent, mais je m'accroche en souffrance. Les coureurs de tête laissent les suivants prendre le relai au bout de quelques minutes, et il faut se rendre à l'évidence, ça va être mon tour. Je suis décidé à contribuer à l'effort de guerre, même si le rythme est déjà très élevé en étant à l'abri. Je prends le relai, le cardio monte instantanément dans le rouge, et j'essaie de tenir le plus longtemps possible.
C'est une sensation bizarre, je ne vois personne devant ni sur les côtés, les motos ouvreuses sont à quelques centaines de mètres devant, j'ai l'impression d'être seul dans cette course. Le peloton arrive à Montreux, je constate dans le reflet d'une vitrine que je suis loin d'être seul, ils sont des dizaines planqués derrières moi. Je laisse le relai au suivant, je suis bien grillé, j'ai beaucoup de mal à raccrocher au rythme du peloton.
Mon excès de zèle se fait sentir dans les jambes, et le peloton roule toujours aussi vite, tout le monde est en file indienne. Chaque instant de faiblesse laisse un trou se creuser avec le cycliste devant qui m'expose en plein vent, l'effort est double, et il faut bagarrer encore plus pour revenir. Je serre franchement les dents juste pour suivre. Nous passons à pleine vitesse devant le premier point de ravitaillement, un bénévole s'écrie : "Hébé, ils ont pas oublié leur petit déjeuner, ceux là !".
La pluie est maintenant battante, les gouttes fouettent le visage, la visibilité est déplorable, j'essaie de prendre les ronds points en trajectoire idéale et d'éviter à tout prix les bandes blanches. J'ai de la buée plein les lunettes, mes chaussettes font "floc-floc" à chaque coup de pédale, mes gants sont des éponges glaciales. Je suis inquiet de la proximité des autres et du fait que, franchement, on ne voit rien. Soudain, on crie "stop !" devant, un type lève la main, j'aperçois des gilets jaunes devant, je freine en essayant de ne pas emboutir le type de devant. La course n'est pas arrêtée, il y a un simplement une voie ferrée à traverser, il faut ralentir. Deux cyclistes tombent lourdement à quelques mètres de moi histoire de plomber l'ambiance. Je passe sans tomber, et repars de plus belle pour ne pas me faire larguer par le groupe.
Je suis maintenant dans un petit groupe d'une quinzaine de cyclistes tout au plus. J'en prends conscience en tournant la tête et en réalisant qu'il n'y a plus personne derrière moi.
Je ne sais pas ce qu'ils ont pris au petit déjeuner, mais j'en veux.
Nous arrivons à toute blinde dans évian, puis Thonon. Je suis cuit, mais on a fait à peine la moitié ! Il y a plusieurs bosses dans et après Thonon, je me fais distancer en pestant. Je n'ai pas les jambes pour les suivre dans les montées. Le groupe est maintenant à une centaine de mètres, et je suis tout seul en plein vent. Bravo. Enfin, presque seul, un autre type s'est fait larguer aussi, il est lâchement collé à ma roue. Je tente le tout pour le tout, et j'accélère pour tenter de rattraper le groupe. Les jambes font mal, les poumons brûlent, la chaussée est très glissante, mais surtout, j'ai les bras complètement engourdis. J'ai du mal à attraper ma nourriture, et je n'arrive pas à adopter une position aérodynamique. Après de longs efforts, je parviens enfin à rattraper le groupe, le type derrière moi est toujours accroché et je le maudis intérieurement de ne pas avoir aidé du tout.
Le groupe continue à son rythme impensable, nous doublons les derniers cyclistes partis d'Evian par petits groupes, j'ai l'impression qu'ils sont presque à l'arrêt !
Je suis épuisé, j'ai mal dans chaque articulation qui n'est pas engourdie, et surtout les muscles des jambes chargés d'acide lactique, il faut que j'arrête de pédaler, même 5 minutes. Je sais que le ravitaillement de mi-parcours approche, et j'en conclus que tout le monde va s'arrêter vite fait. Le moral remonte, mais le ravitaillement se fait attendre. Enfin, je l'aperçois, mais à mon grand désespoir, le groupe ne s'arrête pas. Je fais un pit-stop de 30 secondes pour remplir ma gourde, et repars aussitôt. Un groupe beaucoup plus gros d'une soixantaine de cyclistes passent et je m'y accroche. Je suis au milieu du peloton, à l'abri, enfin, j'essaie de récupérer un peu.
Je réalise alors que j'ai commis une erreur monumentale. Je me suis battu pendant 2h30 pour accrocher un tout petit groupe très rapide, alors qu'en acceptant de perdre 2 à 5 minutes, j'aurais pu trouver ce groupe beaucoup plus gros, dans lequel j'aurais pu me protéger et m'économiser beaucoup plus. Je suis frustré de ma mauvaise stratégie de course, mais suis principalement pré-occupé par mes bras et mes mains. Mes doigts sont complètements engourdis, je n'ai pas réussi à attraper de nourriture dans mes poches depuis plus d'une heure déjà. J'arrive à attraper un gel (beurk), mais il va falloir s'alimenter mieux. Surtout que je suis complètement trempé et bien frigorifié.
Nous arrivons dans Genève après environ 3h de frénésie, et je sens que mes jambes vont être un problème. J'essaye de manger un peu, d'autant que le groupe est maintenant très dilué avec les pelotons plus lents des autres départs, on s'y perd.
A la sortie de Genève, mon corps tire la sonnette d'alarme. Les jambes sont à la limite des crampes, mon estomac crie famine, j'ai froid, et surtout, je n'arrive plus à changer les vitesses. J'arrive à maintenir une vitesse correcte sur le plat, mais je n'ai plus la force pour relancer dans les montées. Mes doigts sont mous et n'ont plus la force d'appuyer sur les leviers de vitesse, je pousse avec les poignets et change le moins souvent possible. Je décide de m'arrêter au ravitaillement suivant, tant pis pour le chrono. Je mise sur le salé, fromage et double bouillon bien tassé, une banane et hop, je repars.
Maintenant, c'est vraiment la galère. J'ai de petites crampes dans le bas des abdos et je sens que les jambes vont suivre si j'appuie trop fort. Et il est toujours très difficile de freiner et changer de vitesse. Le temps devient très long, personne ne m'avait doublé avant Genève, mais là, je perds le compte avec les minutes qui passent. Des trains entiers de cyclistes me doublent, je les regarde passer impuissant comme une vache dans un pré (je saurai après coup que je perds environ 100 places entre Genève et Lausanne !). Je m'en fiche, j'ai mal partout, je veux juste arriver. Comme dans toute bonne épreuve longue, je maudis ciel et terre, et me dis que plus jamais je ne ferai ça et que j'aurais été mieux dans mon canapé.
Finalement, la pluis s'arrête, la route est moins vallonnée et j'ai moins besoin de changer de vitesse à coups de moignons, l'arrivée approche... Dans Lausanne, le moral revient, je touche au but.
Je passe l'arrivée en 5h05. Nous étions 1443 inscrits, 1043 classés, et je termine 168ème à 42 minutes du leader."